Dans un contexte de mondialisation économique croissante, les investissements internationaux ont connu une expansion continue au cours des cinquante dernières décennies. À l'origine, dès les débuts de l'industrialisation, l'opportunité d'investir à l'étranger s'est rapidement manifestée. C'est à partir des années 1950, en conjonction avec le développement des échanges d'investissements entre nations développées et en développement, qu'il est devenu impératif d'établir un cadre juridique visant à garantir la protection des investissements ainsi que des investisseurs.
Un climat préoccupant d'expropriation et de dépossession touche les investisseurs, en particulier dans les pays en voie de développement ou d'anciennes colonies, ce qui rend difficile leur tranquillité. C'est dans ce contexte qu'à la fin des années 50, des accords bilatéraux d'investissement ont émergé, cherchant à apporter une réponse à cette situation. De manière progressive, ces accords ont commencé à se multiplier. Ils se limitent généralement aux bilatéraux plutôt qu'aux multilatéraux. Des tentatives d'introduction d'instruments multilatéraux ont été observées dès la fin de la seconde guerre mondiale, sous forme de conventions, de chartes ou d'accords. Toutefois, ces instruments multilatéraux ont éprouvé des difficultés à s'établir solidement.
Diverses raisons justifient cette situation. Chaque pays possède son propre ensemble de particularités, ce qui engendre des pratiques spécifiques. De plus, pour un État ayant établi un réseau conventionnel solide, cela revêt une importance en lien avec son statut international, illustrant sa capacité à forger des accords et à démontrer sa position. Il est logique de supposer qu'un État privilégiera toujours des accords qui lui sont avantageux plutôt qu'un cadre multilatéral général conçu pour plusieurs parties, ce qui par nature est plus complexe à élaborer pour assurer une protection adéquate.
Dans cette perspective, émerge notamment l'organisation du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), créé le 18 mars 1965 par la Convention de Washington, et faisant partie du groupe de la Banque mondiale. Cette organisation a pour rôle d'encadrer les litiges en matière d'investissement. Elle jouit d’un véritable succès, ayant à ce jour administré plus de 900 affaires en matière d’investissement.
Par la suite, des mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États (ci-après : RDIE), également appelés Investor-State Dispute Settlement (ISDS) en anglais, ont été mis en place. Dans un contexte international, l'arbitrage est rapidement apparu comme une solution évidente pour résoudre ces différends. L'arbitrage a gagné en importance au sein des réseaux conventionnels établis dès le milieu des années 60. Par ailleurs, il est fréquent que dans ces traités internationaux, les investisseurs se voient accorder la capacité d'utiliser directement l'arbitrage international pour faire valoir leurs droits en cas de désaccord avec le pays hôte. Cela renforce davantage l’attrait de l’arbitrage comme moyen de protéger les intérêts des investisseurs.
Cette tendance s'explique par les avantages incontestables de l'arbitrage. L'un de ces avantages est la possibilité de choisir ses arbitres, en optant notamment pour des experts compétents dans le domaine juridique complexe lié aux investissements. Également, l'arbitrage offre la flexibilité d'appliquer des procédures adaptées aux exigences spécifiques du domaine, ce qui en fait un choix judicieux.
Rappelons encore que les sentences arbitrales sont reconnues comme définitives et ont une force exécutoire. Elles se révèlent ainsi particulièrement efficaces pour contraindre les États à respecter et à mettre en œuvre les décisions prises. Les sentences arbitrales basées sur la convention du CIRDI sont généralement inattaquables devant les juridictions nationales, ce qui en assure la robustesse.
L'article 54 de la Convention pour le Règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d’autres États stipule que « chaque État contractant reconnaît toute sentence rendue dans le cadre de la présente Convention comme obligatoire et assure l’exécution sur son territoire des obligations pécuniaires que la sentence impose comme s’il s’agissait d’un jugement définitif d’un tribunal fonctionnant sur le territoire dudit État […] ».
Malgré ses avantages, cette solution présente certaines limites souvent identifiées par les experts. En raison de la diversité des accords bilatéraux multiples, l'absence d'uniformité se manifeste dans la résolution des litiges. Chaque convention bilatérale étant unique, la solution trouvée est inévitablement spécifique, entraînant une absence de cohérence dans les décisions arbitrales. Ainsi, pour un même cas, deux tribunaux pourraient interpréter les éléments de manière notablement différente.
Par ailleurs, il convient de soulever la question de la transparence au sein du domaine du RDIE. Actuellement, un problème de manque de transparence persiste mais il est essentiel de rappeler que l'arbitrage dans ce contexte se fonde sur un modèle d'arbitrage commercial où la confidentialité est prédominante. Cette caractéristique limite considérablement la diffusion d'informations. Cependant, sous l'influence croissante des organisations non gouvernementales (ONG), des avancées ont été réalisées en termes d'accessibilité aux informations. Il est crucial de se poser la question de savoir si cette évolution est bénéfique. Bien que la transparence puisse offrir une plus grande visibilité, divulguer de manière systématique des données confidentielles pourrait potentiellement compromettre les intérêts économiques des entreprises. Ainsi, la balance entre transparence et protection des intérêts économiques demeure un enjeu complexe à résoudre.
De surcroit, les mécanismes du RDIE suscitent des préoccupations liées à une éventuelle frilosité réglementaire. Cette préoccupation découle du fait que les gouvernements pourraient hésiter à mettre en place de nouvelles réglementations, notamment dans des domaines tels que la santé publique, l'environnement ou la sécurité. Cette hésitation provient de la crainte que des investisseurs internationaux n'engagent des poursuites d'arbitrage à leur encontre. Une telle appréhension pourrait entraver la prise de mesures politiques nécessaires pour défendre l'intérêt général, affaiblissant potentiellement la capacité des États à promulguer des politiques bénéfiques pour leurs citoyens et leur environnement.
Un exemple illustrant cette dynamique est l’affaire Phillips-Morris c. Australia, où la mise en place d’une réglementation sur l’emballage des produits du tabac, exigeant l’inclusion d’avertissements sanitaires sur les paquets, a été contestée au moyen d’une procédure du RDIE. Cette requête avait pour conséquence potentielle de remettre en question des règles visant à protéger la santé publique.
Finalement, n’oublions pas que ces mécanismes ont été principalement utilisés à l'origine entre les États du Nord envers les États du Sud. Depuis les années 2000, la situation a évolué et les investisseurs s'attaquent désormais davantage aux pays développés. De plus, les pays développés sont également victime d’une pratique connue sous le nom de « chalandage ». Ce procédé permet à des multinationales de profiter de leur présence dans plusieurs pays pour pratiquer une optimisation juridique, en utilisant les traités d’investissement les plus avantageux pour résoudre leurs litiges et exploiter ainsi les différences juridiques à leur profit.
En raison des éléments précités, il semble que ces clauses du RDIE deviennent de plus en plus rares et ont tendance à être supprimées des accords internationaux. Cette évolution est une réponse aux préoccupations croissantes des parties contractantes concernant leur souveraineté. En conséquence, l'arbitrage d'investissement intra-européen a considérablement diminué, car l'Union européenne a progressivement mis en place des mesures visant à restreindre, voire à éliminer son utilisation dans la plupart des accords conclus au sein de l'Union.
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